« Tu aimes mieux ton papa ou ta maman ? »
Tous les parents sont préoccupés par le bien-être de leurs enfants. Et, nous le voyons dans nos médiations, la crainte de traumatiser leurs enfants pour la vie est une des grandes angoisses des parents qui se séparent.
Malgré cela, parce qu’ils souffrent, que la colère ou le sentiment d’injustice les submergent, qu’ils ont peur de l’avenir, qu’ils n’arrivent pas à prendre leur part de responsabilité dans ce qui arrive, qu’ils sont obnubilés par « l’autre » … Beaucoup de parents, de façon inconsciente, ont tendance à impliquer leurs enfants dans ce conflit qui ne les concerne pas.
Sentiment de culpabilité, conflit de loyauté, difficultés à vivre ses propres émotions… il est très préjudiciable que le divorce des parents devienne aussi l’affaire de l’enfant, car en plus de rajouter de la souffrance au traumatisme, cela va l’empêcher de grandir sereinement.
Alors, comment préserver son enfant lors d’une séparation ? Comment adoucir l’éclatement de ce premier « triangle amoureux » dont il fait partie intégrante ?
L’auto-aliénation – un phénomène naturel chez l’enfant
Des parents qui se séparent, de nos jours, ce n’est plus la fin du monde, c’est seulement la fin d’une histoire. Mais pour un enfant, c’est un véritable séisme. Son univers est totalement bouleversé – c’est la fin de son monde, du monde tel qu’il l’a vécu jusqu’à présent.
Et lorsqu’il assiste au conflit qui déchire le couple de ses parents, il est impossible pour lui de rester un observateur neutre. Il devient forcément témoin de ce qui se passe. Et un témoin n’est pas seulement quelqu’un qui regarde, c’est quelqu’un qui, en regardant, est amené à jouer un rôle actif dans ce qu’il voit.
Va alors se mettre en œuvre chez lui un phénomène naturel qu’on appelle le processus d’auto-aliénation : l’enfant, de manière plus ou moins consciente et spontanée, va tendre à se ranger dans le « camp » du parent qui, à ses yeux, souffre le plus de la séparation.
Et plus ou moins inconsciemment, les parents qui se trouvent eux aussi au centre d’un tsunami émotionnel, vont avoir tendance à utiliser ce mécanisme naturel de l’enfant pour se défendre, chercher à ce que justice leur soit rendue, voire éviter la rupture.
D’après Bruno Humbeeck*, cette manipulation involontaire et inconsciente peut se mettre en place de 3 manières différentes :
- En prenant l’enfant à témoin : Le petit, là, il voit ce que tu me fais ! – La gamine, maintenant, elle sait qui tu es ! – l’enfant est pris à témoin de la façon dont ses parents se mettent en scène à chaque fois qu’ils se disputent.
- En prenant l’enfant comme témoin : Regarde ce que ton père ose me faire ! – Tu vois comment ta mère se comporte avec moi ? – l’enfant est pris comme témoin par un de ses parents de ce qu’il estime subir de la part de l’autre – là, l’enfant se retrouve au beau milieu du combat qui oppose ses parents.
- En prenant l’enfant pour témoin : Demande à ton fils. Il est d’accord avec moi. Interroge-le. Il va te le dire lui-même. – Dis à ta mère qu’elle n’a pas le droit de me faire souffrir comme ça. – là, l’enfant est littéralement « cité à comparaître » par un de ses parents qui l’utilise comme témoin à charge de l’autre.
Voir ses parents se séparer est déjà un traumatisme pour l’enfant. Mais être pris à témoin, comme témoin ou pour témoin, être contraint de dire ce qu’il pense ou ce qu’il ressent, être sommé de prendre parti est pour lui d’une extrême violence !
Être un enfant, c’est aussi/surtout avoir le droit de rester neutre
Tu aimes mieux ton papa ou ta maman ? Cette question absurde et cruelle, c’est celle qu’implicitement les parents posent à l’enfant chaque fois qu’ils l’impliquent dans leur conflit conjugal. Ils demandent à l’enfant de choisir entre deux adultes qu’il aime généralement de façon non pas forcément égale mais équitable – et choisir l’un, c’est inévitablement exclure l’autre, le chasser, le blesser.
Cela signifie aussi à ses yeux qu’on ne lui reconnait le droit ni à la confusion des sentiments ni au mélange d’opinions contradictoires qui ne peuvent que se manifester quand il voit son univers familial voler en éclats.
« Être enfant, c’est aussi être autorisé à ne pas parler, à ne pas prendre parti et à n’être utilisé comme témoin par personne. Rester neutre et ne pas être impliqué dans le spectacle de deux parents qui se déchirent, c’est un droit que l’on doit à tout prix préserver chez l’enfant et chez l’adolescent » (Bruno Humbeeck).
Le mécanisme naturel d’auto-aliénation de l’enfant est aggravé par la posture de témoin que ses parents lui assignent. Une situation intenable pour lui, qui implique beaucoup de tensions, de perturbations, de souffrance, sur le moment mais aussi pour les années à venir. C’est pour cette raison qu’autoriser explicitement le désengagement de l’enfant constitue un impératif majeur. Pourtant pas si simple à mettre en place… Alors comment faire ?
Comment permettre à l’enfant de se désengager du conflit ?
Un couple conjugal peut se séparer, mais un couple parental reste un couple parental pour la vie.
Malgré leur souffrance, leurs griefs, leur colère en tant que partenaires, lors d’une séparation les parents doivent particulièrement être attentifs à un certain nombre de points pour permettre à l’enfant de rester à sa vraie place d’enfant malgré le cataclysme qu’il subit.
- Ne pas laisser l’enfant dans le flou
Un enfant peut être en proie à des angoisses, des peurs, de la colère parce qu’il aura vu des choses, entendu des choses… et qu’il ne sait pas comment les interpréter, ni à quoi cela va aboutir.
Il doit pouvoir mettre des mots clairs et simples sur les tensions qu’il ressent. Pour cela il est bien, le plus tôt possible, de lui parler clairement et sereinement de la séparation, sans accuser l’un ou l’autre des partenaires : papa et maman vont se séparer, c’est la voie que papa ou maman a choisie pour son épanouissement.
Vous devez aussi lui expliquer qu’il n’a pas de rôle – ni maintenant ni plus tard – à tenir dans cette séparation. Que la seule chose que vous lui demandez est juste d’être lui-même, le plus heureux possible.
- Le rassurer quant à l’amour que vous lui portez
Quand ses parents se séparent, l’enfant craint avant tout de perdre leur amour. Et, dans le cas d’une nouvelle relation amoureuse, il va avoir tendance à penser que le nouvel amour risque de prendre sa place dans le cœur du parent concerné.
Vous devez le rassurer en lui disant que s’il y a bien une chose qui ne changera pas dans cet univers bouleversé, c’est l’amour que vous lui portez tous les deux. Que vous allez continuer à l’aimer comme avant, avec autant d’intensité. Et que personne (adulte ou enfant) ne prendra jamais sa place dans votre cœur.
- Le laisser vivre ses propres émotions
L’enfant ne doit pas, par empathie ou par soutien, « endosser » vos états affectifs. C’est à vous de lui expliquer qu’il n’a pas à partager vos émotions : je suis en colère contre ta maman/ton papa mais je ne te demande pas de partager cette colère – Je suis triste quand tu n’es pas là, mais tu n’es pas responsable de ma tristesse et je vais m’en accommoder.
L’enfant ne doit pas non plus essayer de refouler ses émotions pour « épargner » ses parents. Il doit pourvoir vivre toutes les émotions qui le traversent, sans jamais que les parents tentent de les nier ou de les rendre moins intenses : Tu ne dois pas avoir peur – Ne sois pas en colère. Il doit pouvoir se taire s’il en a envie mais aussi exprimer librement ce qu’il ressent, ce dont il a envie et comment lui voit les choses.
Et par-dessus tout, l’adulte ne doit pas essayer de manipuler les émotions de l’enfant à des fins quelconques : Tu ne peux pas partir, regarde le petit comme il est triste à cause de toi – Avec tout ce que tu me fais, vois à quel point tu le mets en colère. L’enfant, par les émotions qu’il éprouve, peut penser qu’il pourrait éviter ce qui est en train de se passer, au risque de demeurer des années dans cet état de tristesse ou de colère.
- Faire la distinction entre vos besoins et ceux de l’enfant
Bien que difficile, il est primordial de ne pas adopter des conduites qui répondent plus à nos besoins qu’à ceux de l’enfant. Comme par exemple, dans le cas d’une garde alternée, décréter que son enfant a besoin qu’on l’appelle tous les soirs. Cette attitude qui traduit en réalité son propre besoin de rester en contact avec l’enfant, perturbe l’équilibre ou la tentative d’équilibre à retrouver dans l’autre famille qui se constitue, et de ce fait est préjudiciable à l’enfant.
- Ne pas rester seuls dans ce chaos émotionnel
Dans la très grande majorité des cas, une séparation s’apparente à un séisme affectif. Et dans ce climat extrêmement émotionnel, il est difficile de faire la part des choses, de prendre sa part de responsabilité dans ce qui arrive, de voir qu’on est impliqué dans ces mécanismes d’aliénation parentale sans le souhaiter.
Se faire accompagner lors de sa séparation permet de prendre du recul et mieux gérer les émotions qui nous submergent, de renouer le dialogue avec son partenaire. Mais aussi d’acquérir les outils indispensables pour transformer une séparation par nature conflictuelle en une séparation dont chacun des protagonistes pourra ressortir sans ajouter des souffrances inutiles. En particulier pour votre enfant qui vous importe tant.
Dans la très grande majorité des cas, l’enfant n’aurait souhaité qu’une chose : que ses parents restent ensemble ! Un match qui les oppose est donc pour lui forcément un match nul dont il ne peut – et ne VEUT – en aucun cas être l’arbitre ! Il faut donc tout mettre en œuvre, lors d’une séparation, pour le tenir à l’écart des problèmes conjugaux qui sont les vôtres, afin de le laisser vivre sa vie d’enfant. Et c’est en arrivant à maitriser un peu votre souffrance que vous serez en mesure d’apaiser la sienne.
Vous souhaitez mettre toutes les chances de votre côté pour installer une coparentalité respectueuse mais vous ne savez pas trop comment faire ni par où commencer ? Ne restez pas seuls face à ces difficultés. Prenez rendez-vous pour une première séance sans engagement. Nous prendrons le temps de vous écouter, comprendre les difficultés auxquelles vous êtes confrontés et surtout voir comment nous pouvons vous aider concrètement.
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Cet article est inspiré du livre de Bruno Humbeeck Comment préserver ses enfants lors d’une séparation aux éditions Mango.
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