Dans notre société, la charge mentale et émotionnelle du couple et de la famille repose encore majoritairement sur les femmes.
Tandis que la société encourage encore les hommes à ignorer les émotions pour favoriser la rationalité, les femmes, elles, sont encore conditionnées à s’occuper à l’excès des besoins et des sentiments des autres, parfois jusqu’à l’oubli d’elles-mêmes.
Alors qu’il est essentiel à toutes nos relations affectives et tout particulièrement aux relations de couple, ce travail émotionnel est rarement apprécié et reconnu à sa juste valeur. Et, dans le couple, il est malheureusement souvent à sens unique.
Mais d’où vient cette injuste répartition du travail de care dans les relations affectives ?
Et pourquoi les hommes auraient tout à gagner à plus se soucier du bien-être émotionnel des autres, et en particulier de leur compagne ?
Socialement, la charge du travail de care revient naturellement aux femmes
Les hommes et les femmes sont différents par nature – c’est comme ça depuis la nuit des temps ! Par nature, les femmes parlent et prennent soin des autres et par nature, les hommes se taisent et sont incapables de communiquer dans l’intimité. Donc pour résoudre les difficultés relationnelles dans les couples, il faut apprendre à composer avec ces différences naturelles.
Nous sommes nombreux à penser qu’il existe des différences intrinsèques entre les hommes et les femmes. Ces préjugés de genre sont au cœur de toutes nos relations et bien sûr au cœur du couple. Pourtant, empathie, sollicitude, capacité d’écoute… ne sont pas plus innées chez les femmes que chez les hommes !
Dès leur plus jeune âge, on apprend aux petites filles à être douces, gentilles, affectueuses, attentionnées, attentives à leurs frères et sœurs… à taire ce qu’elles pensent mais aussi ce qu’elles ressentent, jusqu’à en oublier leurs propres envies et besoins, pour pouvoir se soucier de ceux des autres. On leur inculque encore l’idéal de « l’infirmière dévouée », dont la vocation est de se consacrer principalement au bien-être d’autrui.
À l’inverse, on apprend très tôt aux garçons à taire leurs émotions, à cacher leur vulnérabilité, à faire semblant d’être totalement détachés. C’est entre l’âge de 4 et 7 ans qu’ils apprennent à se comporter comme des petits mecs, à faire semblant de ne pas comprendre les émotions des autres, à se tenir à distance des qualités codées comme féminines – la gentillesse, la tendresse, la sensibilité. C’est en faisant la démonstration qu’ils n’ont pas ces dispositions qu’ils peuvent prouver leur masculinité.
Cette socialisation qui, d’un côté, pousse les hommes à refuser de faire leur part du travail émotionnel, et de l’autre apprend aux femmes à se préoccuper à l’excès des sentiments des autres, fait peser un poids énorme sur les épaules des femmes : celui de maintenir le lien qui nous permet de vivre ensemble.
Et au sein du couple, elle leur assigne la lourde tâche d’arriver à amener leur conjoint à exprimer ses émotions, ses sentiments et à être capable de communiquer dans l’intimité. Une responsabilité énorme vis-à-vis de la « bonne santé » du couple, d’autant que, dans la majorité des cas, cette mission est vouée à l’échec. Car un simple apprentissage de la communication est rarement suffisant pour combattre les représentations parentales et familiales, et le poids du patriarcat qui pèse depuis l’enfance sur les manières de fonctionner des hommes, leur manière de s’exprimer, et surtout de se taire.
La répartition inégale de la charge émotionnelle peut nuire à l’épanouissement du couple
Culturellement, pour la majorité des femmes, être quelqu’un qui aime bien c’est être une personne qui prend soin de l’autre, par une présence aidante et réconfortante, une écoute attentive, des attentions constantes, en allant au devant de ses envies et de ses besoins. C’est aussi être une personne qui aide l’autre à sortir de ses propres difficultés, à aller mieux sur le plan physique, moral et émotionnel, à devenir une meilleure version d’elle-même.
On sait que ce sont majoritairement les femmes qui participent à des formations ou lisent des livres pour apprendre à mieux communiquer, comment résoudre un conflit ou se disputer de façon constructive. Ce sont elles aussi qui, le plus souvent, font la démarche d’aller consulter un·e thérapeute de couple quand ça va mal.
Pour la majorité des femmes, ce schéma est naturel, en tout cas culturellement admis.
Mais en prenant en charge la santé de leur conjoint à leur place, en anticipant ses besoins avant qu’ils ne soient formulés, en endossant pour lui le rôle de coach, de psy, de conseillère, elles deviennent progressivement leur mère et leur infirmière plus que leur partenaire ! Au détriment de leur épanouissement en tant que conjointe et, finalement, au détriment de l’épanouissement de la relation et donc du couple.
Car, comment maintenir une sexualité épanouie quand le lien d’égal à égal se mue progressivement en lien de mère à enfant ?
Comment arriver à bien communiquer avec son conjoint quand toute son attention est consacrée à décrypter ses réactions et ses émotions pour pouvoir s’y adapter ?
Comment arriver à exprimer ses besoins quand ses décisions sont conditionnées par le fait de ménager les humeurs de son partenaire ?
Comment se réaliser en couple quand toute son énergie est monopolisée pour aider son partenaire à sortir de ses difficultés à lui ?
Dans beaucoup de relations, l’effort émotionnel fourni est à sens unique… un terreau peu favorable à une relation de couple équilibrée et épanouie !
Les hommes auraient tout à gagner à se libérer des injonctions intériorisées de la masculinité
Si la majorité des hommes croient sincèrement qu’ils sont autonomes et qu’ils n’ont pas besoin de porter plus d’attention à ceux qui les entourent, c’est justement parce que toute l’attention qui leur est portée à eux est invisibilisée.
Parce que beaucoup de femmes, sans que la demande ne soit jamais clairement formulée, endossent la charge mentale et émotionnelle du couple et de la famille.
Un travail souvent qualifié de futile et anodin qui pourtant procure aux hommes une impression d’indépendance, d’autonomie, et de force qui leur permet de maintenir leur position privilégiée dans notre société encore très marquée par le patriarcat.
Les hommes feignent de ne pas avoir besoin d’aide, d’attention, de soutien, attendent que les femmes devancent leurs demandes non formulées, sans prendre la peine de les en remercier et surtout sans se soucier de réciprocité. Mais, être attentives en permanence aux besoins et au bien-être des autres représente pour les femmes une lourde charge émotionnelle qui se fait bien souvent au détriment de leur propre confort émotionnel et de leurs besoins, ce qui ne peut que créer des frustrations, du ressentiment et des tensions au sein du couple.
L’harmonie d’un couple dépend de la façon dont on s’écoute, la façon dont on se parle, et l’intimité grandit avec la façon dont on se livre. En privant les hommes des qualités codées comme féminines, la société les empêche de nouer des relations authentiques et profondes avec les autres et notamment avec leur partenaire, des relations où ils peuvent se montrer tels qu’ils sont, sans devoir se dissimuler, à la fois en confiance et vulnérables.
Alors, comment renverser le rapport d’exploitation genrée du travail émotionnel ?
Si les différences entre les hommes et les femmes ne sont pas inscrites dans nos gènes, ce que la socialisation genrée a fait, nous pouvons donc le défaire ! En changeant le rapport des hommes, mais aussi des femmes, à la parole et à l’écoute.
Les femmes doivent cesser de croire que cette norme du don de soi féminin représente la seule grille de lecture de leur propre estime : je ne suis une bonne personne que si je suis tournée vers les autres, ma plus grande valeur est d’être empathique, je ne suis aimable – dans le sens qu’on peut aimer – que si je suis dans le don de moi-même.
Pour que les choses changent, elles doivent oser exprimer leurs envies et leurs besoins, ce qu’elles attendent, ce qu’elles souhaitent. Oser demander, dire quand quelque chose les dérange, sans attendre que leur compagnon devine ce qui ne va pas, et pourquoi cela ne va pas. Oser penser à elles, se ménager et prendre soin d’elles sans attendre que les autres le fassent à leur place.
Les hommes quant à eux doivent prendre conscience de ce déséquilibre. Reconnaître l’immense valeur de tout le travail émotionnel que les femmes réalisent au quotidien, les compétences que cela requiert, l’énergie et le temps que cela leur demande.
Mais aussi, et surtout, ils doivent combattre les normes qui leurs sont imposées et faire l’effort d’investir dans cette sphère émotionnelle. En étant plus à l’écoute, plus empathiques. En tentant de comprendre et de satisfaire, eux aussi, les besoins de leur partenaire et de leur entourage.
La société apprend à chacun d’entre nous à s’exprimer avec une voix de camouflage, à faire semblant d’être un homme ou une femme selon les critères socialement définis sous peine d’exclusion, de moquerie et de rejet. Pour une relation de couple plus équilibrée et épanouie, chacun des partenaires doit laisser s’exprimer sa voix intérieure, authentique, humaine, la seule qui permette de nouer de vraies relations, sensibles, profondes, bienveillantes et pleinement aimantes.
S’intéresser aux autres, leur faire plaisir, les soutenir quand c’est nécessaire, est à la portée de tous. Croire que c’est une aptitude naturelle chez les femmes et que les hommes ne sont pas faits pour ça est totalement faux ! Nous devons faire voler en éclat les normes sociales et faire en sorte que le travail émotionnel soit enfin reconnu, valorisé, et partagé de façon égalitaire dans toutes nos relations. Que la charge émotionnelle soit portée par chacun des partenaires – pour des relations plus authentiques, équilibrées et épanouissantes. Au bénéfice des femmes et des hommes !
Vous souhaiteriez revoir en profondeur le mode de fonctionnement de votre couple mais vous ne savez pas trop comment faire ni par où commencer ? Ne restez pas seuls face à ces difficultés. Prenez rendez-vous pour une première séance sans engagement. Nous prendrons le temps de vous écouter, comprendre les difficultés auxquelles vous êtes confrontés et surtout voir comment nous pouvons vous aider concrètement.
* Sources :
Le pouvoir de l’amour de Emma
Podcast Le Cœur sur la table – n°9 L’infirmière et l’ingénieur par Victoire Tuaillon, produit par Binge Audio
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