La détermination de la contribution de chaque parent aux frais des enfants communs est un sujet qui fait souvent débat et provoque de nombreux conflits. Lors des séances de médiation que nous animons, le sujet occupe aussi une place de choix.
Vous êtes en train de vous séparer et vous vous posez sans doute de multiples questions sur les conséquences que cela emporte pour vous, notamment en termes financiers. Comment chacun va-t-il contribuer aux frais des enfants ? Va-t-on encore continuer à partager les frais d’hébergement de nos enfants communs ? En pratique, comment cela fonctionne-t-il au quotidien ?…
Le sujet est d’autant plus sensible que quand on parle contribution aux frais des enfants, on parle d’argent, de beaucoup d’argent même quand on considère la durée des obligations alimentaires – qui perdurent jusqu’à ce que les enfants communs soient autonomes financièrement, c’est-à-dire dans la plupart des cas bien après leur majorité légale. De surcroît, la matière n’est pas monolithique : plusieurs approches cohabitent et il n’existe aucune méthode qui fasse l’unanimité.
C’est aussi un domaine où beaucoup d’idées reçues sont véhiculées, telles que « le meilleur équilibre, c’est l’égalité » ou encore « en cas d’hébergement égalitaire, la solution la plus juste consiste à partager tous les frais à 50-50 ».
Nous vous partageons ci-dessous notre approche qui se base sur les besoins réels des enfants, d’une part, et qui privilégie la recherche d’un équilibre entre les parents, à savoir que chacun puisse considérer la contribution qu’il paie comme juste, d’autre part.
Une formule type, vraiment ?
S’il existe des formules (par exemple la méthode Renard ou le calculateur du Gezinsbond) qui présentent l’avantage de calculer automatiquement les contributions pour vous, celles-ci pêchent toutes par un biais, à savoir qu’elles forfaitarisent le montant des contributions à payer, notamment en fonction de l’âge des enfants, sans tenir suffisamment compte des besoins réels de chaque enfant.
Or, il faut bien convenir qu’en la matière, un enfant n’est pas égal à un autre enfant. Dans notre pratique quotidienne, nous rencontrons effectivement des situations où la contribution mensuelle des parents pour un enfant se monte à 100 euros et d’autres où la contribution s’élève à 1.000 euros. Ramener les contributions au produit de l’application d’une formule uniforme est donc extrêmement réducteur et ne rencontre pas la réalité des familles. Ce n’est pas parce que les parents se séparent que les besoins des enfants changent nécessairement ou encore qu’ils pourraient soudainement être traduits par l’application d’une formule unique pour tous. Pareille formule, pour rassurante qu’elle puisse paraître à première vue, risque bien vite de s’avérer inadaptée et donc de ne pas être durable. Au risque de faire renaître rapidement des tensions entre les ex-conjoints.
Quels frais ?
Comment s’y prendre alors ?Et d’abord, de quels frais parle-t-on quand on évoque les « frais des enfants » ? D’emblée, il faut souligner que le Code civil est très large quant à l’obligation parentale de subvenir aux besoins des enfants puisqu’il vise l’hébergement, l’entretien, la santé, la surveillance, l’éducation, la formation et l’épanouissement des enfants communs (article 203).
Dans le passé, classiquement, on avait coutume de distinguer les frais ordinaires des enfants, et les frais extraordinaires. Les premiers font référence à l’ensemble des postes raisonnablement prévisibles dans le budget des enfants (ex. les frais de vêtements ou les frais scolaires récurrents), tandis que les seconds renvoient à des frais qui soit dans leur montant soit dans leur éventualité même, sont affectés d’une incertitude (ex. les frais de voyage scolaire ou les frais de traitement orthodontique).
Cette distinction est toutefois de plus en plus abandonnée au profit d’une autre qui distingue les frais spécifiques des enfants (à savoir les frais qui n’appartiennent qu’à eux, qui les concernent eux seuls, comme par exemple les frais de vêtements, les frais de traitement médical, les frais scolaires, les loisirs des enfants non partagés avec les parents, l’argent de poche, etc.) des frais que les parents partagent avec leurs enfants (ex. les frais d’alimentation, le loyer, l’eau, le gaz, l’électricité, l’utilisation éventuelle d’une voiture pour des navettes scolaires, etc.). Cette distinction est en effet plus intéressante en pratique, parce que la clé de répartition qui s’applique aux frais spécifiques est différente de celle qui s’applique aux frais partagés.
La première étape donc, pour déterminer les contributions, consiste à lister et de chiffrer l’ensemble des frais spécifiques des enfants. Il est évident que tous les postes ne pourront pas être chiffrés à l’euro près et qu’il devra y avoir des estimations. Le but poursuivi par l’exercice consiste à évaluer le budget mensuel des frais spécifiques.
Le principe du masque à oxygène
Le budget établi, il convient ensuite de fixer les contributions respectives des parents à ces frais spécifiques. Pour ce faire, on prend en considération les revenus de chacun et le pourcentage de contribution de chacun peut être établi à due proportion des revenus de chaque parent. Par revenus, on entend non seulement les revenus professionnels (soit tous les revenus nets, en ce compris par exemple le pécule de vacances ou des chèques-repas), mais aussi les éventuels revenus mobiliers (par exemple les dividendes) et immobiliers.
Mais quid si un des parents a des revenus très faibles ? Nous connaissons tous les instructions de sécurité qui ont cours dans les avions : en cas de risque de dépressurisation, il est demandé aux adultes de mettre d’abord leur masque avant de mettre celui des enfants. Pour la fixation des contributions, c’est un peu le même principe : si un des deux parents ne gagne pas assez pour subvenir à ses propres besoins, il ne contribuera en principe pas aux frais spécifiques des enfants. Il satisfera à son devoir de contribution par ses apports en nature (ex. la mise à disposition du logement ou le simple fait d’éduquer les enfants au quotidien).
Les frais partagés
Pour les frais partagés avec les enfants (le loyer, le gaz, l’électricité, etc.), plusieurs possibilités se présentent. Dans un hébergement égalitaire alterné, si les deux parents ont des revenus suffisants pour assumer seuls ces frais après avoir subvenu à leurs besoins propres, il n’y aura généralement pas de contribution d’un parent vers l’autre pour la quote-part des enfants dans les frais partagés. Par contre, si les revenus d’un parent sont par exemple insuffisants pour supporter la charge de loyer liée à la nécessité d’avoir des chambres pour les enfants, une contribution pourra être prévue.
Indépendamment des revenus des parents, une contribution d’un parent vers l’autre pour la quote-part des enfants dans les frais partagés pourra également être prévue en cas d’hébergement inégalitaire : si un des deux parents a les enfants les deux tiers du temps, il supporte par exemple un surcroît de frais de nourriture qui pourra être compensé. Idem pour d’autres frais partagés tels que l’eau, le gaz, l’électricité ou le coût de navettes pour les activités des enfants avec la voiture familiale.
Modalités pratiques
On le voit, les frais spécifiques et les frais partagés ne suivent pas le même traitement. Il en va de même pour la mise en œuvre des contributions au quotidien. Pour les frais spécifiques, de plus en plus de parents ouvrent un « compte commun enfants » sur lequel ils versent leur contribution mensuelle et pour lequel ils disposent chacun d’une carte bancaire. Toutes les dépenses spécifiques aux enfants seront effectuées à partir de ce compte ; le parent qui doit effectuer une dépense en liquide (ex. le coiffeur) paiera avec son argent et se fera ensuite rembourser par virement en mentionnant la nature de la dépense en communication. Ainsi, toutes les dépenses des enfants sont clairement identifiées et effectuées en toute transparence, et il n’y a plus de nécessité de faire des décomptes entre parents.
S’il y a une contribution d’un parent vers l’autre pour la quote-part enfants des frais partagés, celle-ci sera forfaitaire et sera versée directement sur le compte du parent concerné.
Les allocations familiales
En fonction de la situation et des besoins, les allocations familiales seront généralement versées sur le compte commun enfants ou conservées par l’un des parents pour lui permettre de faire face aux frais partagés avec les enfants.
Et la fiscalité dans tout cela ?
En cas d’hébergement égalitaire, les deux parents pourront bénéficier à parts égales de l’abattement pour enfants à charge. Mais si un parent paie des contributions plus importantes que l’autre, il sera parfois judicieux d’opter pour un autre mécanisme, où ce parent déduit les contributions qu’il paie de ses revenus imposables (à concurrence de 80% des montants payés) tandis que l’autre parent bénéficiera alors seul de l’abattement pour enfants à charge. La fiscalité familiale étant particulièrement touffue et complexe, une fois le projet d’accord ficelé, il sera éventuellement opportun de consulter un fiscaliste pour s’assurer que l’accord permet de « faire le plein » des mesures fiscales pour les parents séparés.
Pas gravé dans le marbre
Enfin, il est important de souligner que les contributions alimentaires ne sont pas gravées dans le marbre. Avec les années, les besoins des enfants vont évoluer et il y a fort à parier que vos revenus eux aussi vont bouger. Vos contributions respectives vont donc sans doute évoluer dans le temps.
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Valérie Claeys & Yves Dinsart
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