Pourquoi trompe-t-on son conjoint ? Pourquoi parfois même des personnes qui se considèrent heureuses en couple trompent-elles leur partenaire ? Une liaison signifie-t-elle automatiquement la fin d’une relation ?
Thérapeute du couple et de la famille, d’origine belge et installée à New York, Esther Perel est mondialement reconnue comme une des voix les plus originales et pertinentes sur les relations amoureuses. Voyons ce qu’elle nous dit sur l’infidélité dans le couple°.
L’infidélité aujourd’hui
S’il y a une chose certaine, c’est que l’infidélité existe depuis que l’institution du mariage existe. Mais à partir de quand considère-t-on qu’il y a infidélité ? Les perceptions varient évidemment d’une personne ou d’une culture à une autre, et plus encore selon que l’on se place du point de vue de celui qui est infidèle ou de celui qui est trompé. Pour Esther Perel, il y a infidélité dès lors que trois conditions sont réunies : une relation secrète investie d’une connexion émotionnelle et d’une dimension sexuelle. Ce phénomène touche aujourd’hui 90% des gens, soit parce qu’il y a eu une infidélité dans leur famille d’origine, voire un enfant illégitime, soit parce qu’ils vivent ou ont vécu une infidélité dans leur couple.
Alors même que le phénomène est vieux comme le monde et à ce point répandu, l’infidélité n’a jamais fait autant de ravages dans les couples. Pourquoi ? Si à l’origine, le mariage était une entreprise essentiellement économique – à deux on est plus forts – et une institution qui assurait la cohésion sociale, le mariage – ou l’engagement à long terme consenti en dehors des stricts liens du mariage – est aujourd’hui devenu une affaire de cœur : c’est l’expression de l’idéal romantique par excellence. On attend aujourd’hui de son conjoint qu’il soit un amant passionné, un parent responsable, son meilleur ami, un confident fidèle, un compagnon émotionnel et un stimulant intellectuel. A vie. C’est beaucoup en demander à une même personne pendant un temps aussi long !
Dans le passé donc, l’infidélité représentait une atteinte à la sécurité économique, ce qui du coup la rendait généralement tolérable : la finalité du mariage n’étant pas le bonheur des protagonistes, cela ne valait pas la peine de tout mettre à risque sous le prétexte de l’un ou l’autre écart. Aujourd’hui, c’est très différent : au vu des attentes dont le mariage est investi, l’infidélité fait peser une menace sur notre sécurité émotionnelle, ce qui est beaucoup plus lourd de conséquences. Si celui ou celle en qui j’ai tout investi me trompe, que reste-t-il de moi ? C’est notre intégrité tout entière qui est remise en cause.
Du coup, la révélation de la trahison est le plus souvent dévastatrice, synonyme d’anéantissement complet. Elle s’accompagne d’une crise d’identité profonde. « Comment ai-je pu me laisser berner à ce point ? » « Est-ce que je pourrai un jour faire à nouveau confiance à qui que ce soit ? »
Dans un monde où règne la dictature du bonheur immédiat (on y reviendra plus loin), où chacun a droit au bonheur tout de suite et où les partenaires sont économiquement davantage autonomes qu’avant, la révélation d’une liaison entraîne souvent des décisions radicales et la rupture du couple. « Quitte-la/le. Après tout ce qu’elle/il t’a fait, tu vois bien qu’elle/il n’en vaut pas la peine ! » entendra-t-on le plus souvent autour de soi. Choisir de rester quand on peut partir est « la nouvelle honte », comme le souligne Esther Perel.
Pourquoi trompe-t-on l’autre ?
« Si tu trompes ta femme/ton mari, c’est soit que tu as un problème soit que votre relation bat de l’aile. »
« Pourquoi vas-tu voir ailleurs alors que tu as tout ce qu’il te faut à la maison ? »
Bien entendu, de nombreuses infidélités trouvent leur cause dans des unions malheureuses depuis parfois très longtemps.
Mais ce serait une erreur grossière de réduire le phénomène de l’infidélité à ces seuls cas : même des gens heureux en couple trompent parfois leur conjoint. Qu’est-ce donc qui fait qu’à un moment donné, notre comportement s’inscrit aux antipodes de valeurs auxquelles on croit pourtant profondément ? Qu’on franchit une ligne blanche qu’on n’aurait jamais imaginé franchir, au risque de tout perdre ? Il y a souvent une aspiration à la base de cette transgression, une aspiration à une connexion émotionnelle, à la nouveauté, l’autonomie, la liberté, à une intensité sexuelle renouvelée, à un désir de re-capturer des parties perdues de nous (ex. une adolescence qui n’a pas pu se vivre pleinement). La réalisation de cette aspiration trouve également un ressort important dans le « droit au bonheur maintenant ».
Cette infidélité-là ne consiste pas tant à tourner le dos à l’autre qu’à tourner le dos à qui on est ou qui on est devenu. On ne cherche pas tant une autre personne qu’à se connecter à un autre soi.
Le couple peut-il survivre à une infidélité ?
La trahison s’accompagne, on l’a dit, de blessures profondes et qui prennent du temps à cicatriser. Mais cet événement peut être l’occasion de transformer une crise en une opportunité pour le couple et ses protagonistes.
Comment ? D’abord, il est essentiel de bien intégrer que la trahison est une véritable bombe atomique pour celui qui la vit. Pour dépasser ce traumatisme, plusieurs étapes seront nécessaires : la phase de la colère en premier lieu, qui aura le plus souvent à s’exprimer à de nombreuses reprises et qui nécessitera de la part de celui qui a trompé l’autre d’être dans l’écoute et de faire preuve de patience et de compréhension. L’infidélité est une « voleuse d’identité » : elle nous amène à revisiter ces moments de l’histoire du couple que l’on a cru vivre ensemble, ces moments du passé que l’on pensait jusqu’ici pleinement partagés et dont on se rend compte aujourd’hui qu’ils n’étaient pas vécus comme tels par les deux partenaires (« Et toutes ces fois où tu m’as dit que tu devais rester plus tard au bureau ! Et moi qui te croyais, mais quel idiot.e j’ai été ! »). Or, autant le futur est incertain, le passé est généralement perçu comme une donnée « sûre » qui fonde notre identité. L’ébranlement de cette certitude est profondément insécurisant et demande de « reconstruire » le passé compte tenu de cette nouvelle réalité.
Ensuite, il est essentiel que celui qui a trompé l’autre exprime des regrets sincères par rapport à sa conduite. Non pas pour tomber dans un schéma de victimisation-culpabilisation à outrance, mais parce qu’il n’est pas possible de pardonner et de reconstruire pas à pas la confiance avec quelqu’un qui n’éprouve aucun sentiment de remords pour la peine qu’il a causée à l’autre.
A ce stade, il deviendra possible de sortir du questionnement qui vise à « tout savoir » (« avec qui tu m’as trompé.e ? combien de fois ? où ? qu’est-ce qu’il/elle te donne que je ne te donne pas ?… ») pour poser des questions qui ressortissent davantage au « pourquoi » (« qu’est-ce que tu ne pouvais pas me dire ou exprimer dans notre couple ? qu’est-ce que cette liaison signifiait pour toi ?… ») qui vont peut-être permettre à la personne trompée d’exprimer qu’elle aussi, elle n’y trouvait plus son compte, qu’elle aussi, elle peut revendiquer le bénéfice du changement. C’est souvent l’occasion de discussions très profondes et d’une honnêteté parfois encore jamais atteinte dans le couple. Sur les besoins et les attentes de chacun, ce qui est arrivé au couple, ce qui s’est perdu en cours de route. Et peut-être le début d’un processus de réinvention du couple.
N’oublions pas aussi qu’en dehors de l’infidélité sexuelle, il y a de multiples autres façons de tromper l’autre. Le mépris, la négligence, l’indifférence, la violence verbale ou physique sont des comportements qui sont autant de marques d’infidélité au couple, à ce qu’on s’était promis, à nos valeurs.
Que les choses soient claires, la posture d’Esther Perel ne consiste aucunement à encourager ou promouvoir l’infidélité, mais simplement à constater que celle-ci reste extrêmement répandue de nos jours et à nous interpeler : dans notre vie d’adulte, la plupart d’entre nous connaîtrons 2 ou 3 relations ou mariages, parfois avec une seule et même personne.
Vous avez peut-être vécu une infidélité, soit que vous ayez trompé l’autre, soit que vous ayez été trompé.e. Dans cette situation, vous considérez sans doute que votre premier mariage, en tout cas tel que vous l’avez vécu jusqu’à ce jour, est terminé. La fin de cette première union implique parfois que l’on quitte l’autre. Mais pas toujours : vous pouvez aussi tenter de rebondir ensemble, de réinventer votre couple à deux.
Valérie Claeys & Yves Dinsart
Ensemble, nous accompagnons les couples en difficulté
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° Si vous voulez aller plus loin, nous vous invitons à lire l’ouvrage d’Esther Perel, Je t’aime, je te trompe, aux Editions Robert Laffont.
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