« Il y a des choses qu’on ne pourra jamais expliquer.
De toute façon, un garçon reste un garçon et une fille reste une fille.
On a beau dire qu’on veut l’égalité, on reste différents à la base. »
Les hommes et les femmes seraient différents par nature… Nous sommes nombreux, même convaincus du bien-fondé du féminisme, à penser qu’il existe des différences intrinsèques irréductibles entre les hommes et les femmes, qui posent des limites à l’égalité des sexes.
Les femmes seraient fragiles et moins musclées que les hommes, qui eux seraient plus violents du fait de leurs hormones, et puis les femmes mettent les enfants au monde – ce n’est pas pour rien qu’on parle d’instinct maternel…
Ces préjugés de genre sont au cœur de toutes nos relations, et bien sûr au cœur du couple.
Ces mythes, ces croyances, ces a priori qui nous sont inculqués dès la plus tendre enfance et qui sont socialement véhiculés par tous, sont en réalité complètement faux !
En fait, ils visent principalement à établir la supériorité des hommes sur les femmes pour les dominer, les contraindre, et les limiter dans leur déploiement. Mais les hommes, eux aussi, sont victimes de ces préjugés de genre qui assignent arbitrairement des limites déterminées et bornées par le sexe.
Alors, si nous cherchions à démonter ces préjugés en interrogeant les questions de nature et de culture ?
Si, au lieu de nous obstiner à pointer les différences qui semblent exister entre les hommes et les femmes, nous nous intéressions à toutes ces études qui prouvent qu’il n’y en a pas ?
Le sexe social
De nombreux parents, enseignants, personnes qui travaillent avec les enfants constatent que les garçons adoptent des comportements typiquement masculins et les filles des comportements typiquement féminins. « Nous avons élevé nos enfants exactement de la même manière. Mais c’est flagrant, en grandissant notre fille est devenue beaucoup plus câline que son frère qui lui est très énergique et bagarreur. »
Nous attribuons tous cela a des différences biologiques ou génétiques.
Pourtant, de nombreuses études menées depuis la fin des années 70 démontrent que l’essentiel des différences de comportement qui sont relevées ne sont pas naturelles mais sont en fait le fruit de tout une série de mécanismes extrêmement complexes, subtils et parfois presque imperceptibles. C’est ce qu’on appelle le sexe social, ou encore la socialisation différenciée.
En tant qu’adultes, nous avons tous des attentes distinctes vis-à-vis des enfants en fonction de leur sexe. Et ces attentes sont conditionnées par nos idéaux socio-culturels féminins et masculins.
On va relever chez une petite fille le fait qu’elle est jolie, sage, câline, attentive aux autres… et chez un garçon le fait qu’il est fort, énergique, courageux… Quand une petite fille est sportive et tonique, ne dit-on pas d’elle que c’est « un garçon manqué » ?!
En s’adressant aux enfants en convoquant uniquement ces qualificatifs genrés – « que tu es bien coiffée ma choupette, tu es drôlement fort mon petit Hugo » – en privilégiant les surnoms « gentillets » pour les filles (ma puce, ma poupée, ma fleur) contrairement à mon garçon, Julien, mon petit homme), en cautionnant une répartition binaire des jeux au sein des crèches (la dinette et les poupées pour les filles, les voitures et les jeux de construction pour les garçons)… les adultes construisent insidieusement des interactions éducatives et d’apprentissage différenciées qui vont conditionner les petites filles et les petits garçons dans tout leur développement futur.
Cette socialisation différenciée va jusqu’à façonner leur corps et leur esprit.
La force physique, la musculature, comme les capacités cérébrales, se développent en fonction de l’entrainement dont elles bénéficient. Et il a été démontré qu’à entrainement identique, les capacités se développent de la même manière chez les filles et chez les garçons. Si les femmes sont en général moins musclées que les hommes, c’est uniquement parce qu’elles sont tenues à l’écart des sports qui développeraient leur musculature, comme la boxe par exemple. Si les jeunes hommes semblent plus performants en vision 3D dans l’espace, c’est seulement parce qu’ils passent plus de temps à jouer aux jeux vidéo que les filles et que cela leur permet de développer leur plasticité cérébrale.
Les stéréotypes genrés limitent donc fortement le développement des talents et capacités naturels des filles et des garçons pour les façonner à l’image de nos idéaux sociétaux.
Des croyances que nous tenons pour des vérités
La socialisation différenciée est basée sur un certain nombre de mythes scientifiques, historiques et anthropologiques profondément ancrés en chacun de nous.
Ce qui explique la difficulté que nous avons à nous en défaire !
Ces mythes alimentent les stéréotypes de genre les plus courants.
Comme celui selon lequel les hormones joueraient un rôle important dans les comportements et les compétences des hommes et des femmes, rendant les hommes plus agressifs et les femmes plus fragiles et douces. S’il existe bien des différences biologiques incontestables (les hommes et les femmes ne produisent pas les mêmes gamètes pour la reproduction), aucune étude scientifique sérieuse menée n’a jamais réussi à prouver qu’il existe un tel lien entre le taux de testostérone et les attitudes comportementales et sexuelles différenciées des hommes et des femmes.
Il en est de même du sacro-saint instinct maternel.
Une étude prouve que si les femmes sont plus à même de reconnaitre les pleurs de leur bébé, ce n’est pas dû à leur instinct mais parce qu’elles passent simplement plus de temps avec lui ! L’étude à démontré que les papas qui passaient autant de temps que les mamans avec leur bébé reconnaissaient aussi bien leurs pleurs que les mamans.
De la même façon, ce n’est pas le fait d’allaiter en lui-même qui permet aux mamans de créer un lien privilégié avec leur bébé, mais le temps qu’elles passent avec lui du fait qu’elles allaitent. En réalité, socialement, le bébé va créer un lien privilégié avec l’adulte qui lui montre le plus d’attention et d’affection – qui peut être sa maman, mais tout autant son papa, ou encore d’autres adultes (une grand-mère, une tante…).
Paradoxalement, si ce mythe de l’instinct maternel est cautionné par tous, c’est que chacun y trouve un intérêt : les hommes y voient un moyen de maintenir les femmes dans leur rôle domestique et parental, et les femmes y trouvent un « espace d’expression » qui leur est entièrement dévolu – même si c’est à leur détriment !
Le mythe de la préhistoire
Quand on commence à contester les stéréotypes de genre, les gens prennent souvent appui sur la préhistoire pour attester que les différences entre les hommes et les femmes ont toujours existé, et que l’infériorité physique de la femme était déjà un fait établi à cette époque.
Mais en réalité, ce mythe de l’homme préhistorique qui partait chasser pour subvenir aux besoins de sa famille pendant que la femme restait au fond de la caverne pour raccommoder les vêtements et s’occuper des enfants en attendant qu’on lui apporte la viande qu’elle troquait contre ses faveurs sexuelles, s’est forgé au… 19ème siècle !
La réalité historique est tout autre : au paléolithique les femmes participaient activement à la chasse. Et elles étaient majoritairement en charge de la cueillette et du ramassage des herbes et plantes qui représentaient 70% de la subsistance du groupe, ce qui leur conférait un rôle très important. On sait par ailleurs que les femmes étaient tout à fait capables de façonner des outils car il n’était pas tant question de force que d’adresse !
Ce mythe récent de l’homme chasseur a permis d’instaurer dans l’esprit de tous que seuls les hommes – grâce à leur intelligence, leur force, leur adresse, leur capacité à s’organiser en groupe – étaient capables de façonner l’humanité. Mais aussi, d’instaurer la division du travail entre les sexes d’une manière qui perdure jusqu’à aujourd’hui.
La soi-disant faiblesse des femmes
Jusqu’en 1759, le squelette de l’homme et celui de la femme ont été représentés de manière indistincte. Ce n’est qu’à partir de cette date que sont apparues des représentations distinctes de l’un et l’autre squelettes qui ont permis des comparaisons peu flatteuses pour les femmes. Il était clairement souligné par exemple que leur anatomie était défavorable à l’activité physique et qu’elle présentait des faiblesses qui les rendaient vulnérables.
Au moment de la Révolution française, certaines femmes ont tenté de dénoncer l’incohérence de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen. En effet, celle-ci proclame que « tous les hommes naissent libres et égaux en droit ». Les hommes – mais pas les femmes ! La liberté et l’égalité ont été proclamées comme étant des droits naturels. Il a donc été nécessaire de démontrer que les femmes étaient, par nature, empêchées d’accéder à l’égalité. Et c‘est pour justifier cette discrimination que s’est déployé à cette époque un discours scientifique invalidant pour les femmes, discours encore bien vivace dans nos esprits aujourd’hui.
De nos jours, le fait de toujours considérer que les femmes sont faibles permet d’en déduire que leur métier, puisqu’elles arrivent à le faire, n’est pas pénible ! Est-ce vrai pour autant ? De nombreux travaux tendent à montrer qu’on mésestime beaucoup la réalité de la pénibilité des travaux féminins, qu’il s’agisse des hôtesses de caisse, des assistantes maternelles, des aides soignantes, des femmes de ménage… Mais nier la pénibilité de tous ces métiers permet de justifier la mauvaise rémunération qui les caractérise !
Les stéréotypes de genre constituent un sérieux obstacle à la réalisation d’une véritable égalité entre les femmes et les hommes et favorisent la discrimination fondée sur le genre. Ils sont utilisés pour justifier et maintenir la domination historique des hommes sur les femmes, ainsi que les comportements sexistes. Et ils ont un impact très fort également sur les hommes qui vivent dans la crainte d’une « disqualification identitaire » s’ils ne se conforment pas aux normes qui leurs sont assignées.
Mais même si l’on considère le fait qu’il existe des différences biologiques irréductibles, en quoi justifient-elles les inégalités ? En quoi le fait de porter un enfant et de le mettre au monde justifie-t-il d’être responsable de la majorité des tâches domestiques ?
Il est de notre devoir à tous, hommes et femmes, et de l’intérêt de chacun de travailler pour combattre ces préjugés de genre et faire bouger ces limites socio-culturelles afin d‘offrir aux femmes comme aux hommes, individuellement et au sein de leur couple, la liberté de se développer et de s’épanouir en dehors de ces représentations figées et négatives.
Vous souhaiteriez revoir en profondeur le mode de fonctionnement de votre couple mais vous ne savez pas trop comment faire ni par où commencer ? Ne restez pas seuls face à ces difficultés. Prenez rendez-vous pour une première séance. Nous prendrons le temps de vous écouter, comprendre les difficultés auxquelles vous êtes confrontés et surtout voir comment nous pouvons vous aider concrètement.
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Cet article est inspiré du podcast d’Arte Radio, Les femmes sont-elles des hommes comme les autres ? de Charlotte Bienaimé.