« Avant j’avais des principes. Maintenant je vis en couple. »
C’est un fait : la plupart des hommes et des femmes passent l’essentiel de leur vie à tenter de théoriser non seulement leur couple mais le couple en général et l’idée même de couple.
Chaque couple élabore ainsi de grands principes qui sont censés définir ce qu’est un couple – et ce que ce n’est pas. Afin de se rassurer, de se justifier, mais aussi de se comparer, implicitement ou explicitement, aux autres couples.
En résulte une multitude de théories divergentes, rigoureuses ou à géométrie variable, partiellement vraies et surtout majoritairement fausses ! Car les thèses que chacun produit se heurtent immanquablement à un mur de contradictions dès qu’on essaye de les généraliser.
Alors, le couple c’est quoi ?
Et en fait… existe-t-il vraiment ?
Une multitude de questions
On définit ordinairement le couple comme « l’alliance de deux personnes qui décident de poursuivre le lien de l’accouplement au-delà de son acte ». Ce n’est pas faux mais n’est-ce pas un peu réducteur ? Voire carrément simpliste ???
Alors, le couple qu’est-ce que c’est ? Est-ce une conquête, une lente construction ou déjà la terreur d’une perte ? un déploiement ou un enfermement ? un libre choix ou une détermination sociale ? une aventure à renouveler ou l’histoire de toute une vie ?
Et à quoi ça sert exactement de vivre en couple ? À se protéger ou à se mettre en danger ? à s’ouvrir ou à se clore ? à se reproduire ou à se conserver ? à vivre pleinement son amour ou à supporter l’absence d’amour ?
Et le couple, comment ça fonctionne ? Est-ce l’art de la fusion (se composer à deux un corps et une âme plus puissants) ou au contraire l’art du compromis et de la bonne distance ? Est-ce l’art de la négociation perpétuelle (des désirs, des tâches, des projets) ou l’art de la dissimulation visant à préserver à tout prix la cristallisation initiale ? Est-ce l’art d’apprendre à parler d’une seule voix et à regarder dans la même direction ou au contraire l’art de savoir aller voir tout seul ailleurs pour en revenir plus riche pour les deux ?
Le couple, c’est avant tout et par-dessus tout, une cascade de questions sans réponse, un chemin sur lequel on s’aventure sans carte ni boussole. Car a priori un couple, on ne sait ni ce que c’est, ni ce que ça vise, ni comment ça fonctionne. Autrement dit, il n’y a pas de bon modèle, ni a priori, ni a posteriori. En fait, il n’y a pas de modèle du tout !
Toutes ces thèses que chacun échafaude pour trouver des branches solides auxquelles s’accrocher dans la difficile aventure qu’est le couple sont bien moins des théories que des idéologies, des fantasmes, des justifications a posteriori ou des généralisations abusives. Comme la parentalité parfaite. Comme la féminité idéale. Comme la mythique masculinité.
Singularité versus normativité
Théoriser le couple, c’est essayer de le réduire à une norme commune à tous. Ce qui est impossible – il y a tellement de couples différents !
Le couple est par essence multiforme et échappe donc à toute modélisation.
Et puis être en couple, c’est une condition – à l’inverse d’être célibataire. Mais faire couple, c’est tout autre chose… C’est un rapport, une relation, la réunion de deux êtres chacun unique – d’où la singularité de leur rencontre, la singularité de leur histoire, de leurs gestes et de leurs rituels…
En ce sens LE couple n’existe pas. Il existe autant de couples que de binômes qui les forment. Et ce qui compte, ce ne sont ni les modèles idéalisés, ni les réponses simplistes, ni les fausses théories mais la manière dont chacun construit sa propre histoire de couple.
« Chaque couple ne serait ainsi qu’un bricolage singulier et inimitable de l’impossible, dans lequel rien n’est jamais garanti d’avance, ni le meilleur, ni le pire. Ce que semble confirmer l’expérience la plus ordinaire : ce qui cimente un couple (le désir, l’amour, les enfants, l’intérêt, l’habitude, la peur de la solitude, la solidarité, un travail en commun, un projet commun, la rivalité…) en ferait généralement exploser un autre, y compris au sein d’un même couple selon les différents moments de son histoire. » Pierre Zaoui
Si cette impossible normativité du couple peut sembler déroutante, c’est pourtant ce qui en fait toute sa richesse, son champ de possibilités, ses horizons innombrables, et qui fait de chaque relation tant un défi qu’une magnifique œuvre d’humilité – chacun fait ce qu’il peut et c’est très bien ainsi !
Aucune loi mais quelques vérités…
La théorisation du couple est donc impossible, sa modélisation vouée à l’échec. En revanche, en partant du principe – le seul valable – qu’un couple est une relation entre deux individus, il est quand même possible d’énoncer quelques vérités qui concernent tous les couples.
• Un couple est une éternelle réinvention
On ne fait pas l’amour, on ne communique pas, on ne se comporte pas de la même façon avec son/sa partenaire au début d’une rencontre et après dix ans de vie commune, avant et après avoir eu des enfants, quand on partage un petit studio ou quand on vient de s’alourdir d’un crédit immobilier sur vingt-cinq ans.
Une vie à deux est une perpétuelle mutation. Essayer de figer son couple dans une seule et même image, achevée et immuable, qui plus est la plus belle qui soit, c’est vouer d’avance son couple à l’échec.
La plupart des couples se vivent à leurs débuts comme des success stories : un duo qui se répond harmonieusement, comble les attentes de chacun, se parle et se comprend. L’image parfaite du couple. Et la relation évoluant, la plupart des couples cherchent à s’accrocher à cette image parfaite du passé qui pourtant ne fait plus sens, plutôt que de s’en inventer de nouvelles.
Tout couple « mûrissant » semble ainsi se retrouver devant deux alternatives déprimantes : soit s’avachir, soit se pétrifier.
S’avachir, cela revient en quelque sorte à s’asseoir sur ses acquis – penser que le fait que cette image parfaite ait existé suffit à assurer la pérennité du couple. Partant de ce principe, on arrête de ciseler son couple, de l’enrichir et de le déplacer à chaque instant, on laisse la soif de plaire s’affaisser en confort d’être aimé·e et les choses s’avachissent jusqu’à ne plus avoir aucune forme. « On peut résumer cela d’un mot : avant il y avait l’amour, maintenant il y a la télévision. » Pierre Zaoui
Se pétrifier, à l’inverse, cela pourrait s’apparenter au fait de refuser de vieillir – refuser que cette image parfaite n’existe plus, et figer son couple dans un mensonge à force de rituels sans vie, le tenir prisonnier d’une photographie d’un autre siècle.
Tout le jeu – et l’enjeu – est donc d’avoir le pied marin, le corps agile et l’esprit aventurier pour suivre le mouvement de balancier permanent (de montées et de descentes, de tempêtes puis d’accalmies) et s’aventurer sur des terrains inconnus en quête constante de nouveautés. Parce que le couple, comme la vie, n’est qu’un éternel commencement.
• En couple, la parole est d’or
Résumons sommairement : chaque couple (qui est unique) doit donc se renouveler sans cesse, sans pouvoir s’appuyer sur des modèles puisqu’il n’en existe pas, ni suivre aucune règle puisque ce qui fonctionne pour l’un ne fonctionnera pas pour l’autre et ce qui marche à un moment ne marchera plus l’instant d’après.
Les miracles n’existent pas ! La seule clef qui permet de rendre une tâche aussi ardue possible c’est de PARLER. Échanger avec son/sa partenaire, communiquer sur ses envies, ses désirs, ses attentes, mais aussi ses frustrations, ses peines, ses blocages… Se dire soi mais aussi entendre l’autre pour pouvoir dire le nous.
« Quand on est deux, on ne fait jamais un ; il n’y a pas d’âme sœur, pas de moitié parfaite qui nous complète. Et c’est cette impossibilité de faire un avec deux qui fait parler et qui doit faire parler.
Un couple vivant, c’est-à-dire un couple qui n’est ni en guerre perpétuelle ni en fusion silencieuse, l’est parce qu’il est capable de parler et de se parler, sans jamais trop craindre incompréhensions et malentendus.
Parler les désaccords, les impasses, les frustrations. Parler l’éternelle difficulté à parler. Mais aussi parler les joies et les espérances, car il n’est jamais sûr d’avance qu’elles soient aussi claires pour l’un que pour l’autre.
Donc pas seulement la parole négociante, ni seulement la parole pleine, riche de significations, mais aussi la parole poétique ouvrant des chemins imprévus, et encore la parole vaine, celle qui n’est faite que pour passer le temps et un peu d’affect. » Pierre Zaoui
Réinventer son couple, c’est donc trouver la voix de la parole, même quand elle semble impossible, étouffée par la peur, affaiblie par la routine ou étranglée par les frustrations – trouver la voie de son couple avec le ton, le rythme et les stridences qui lui sont propres.
• L’horizon transcendantal du couple, c’est la séparation
Selon une de ses définitions les plus communes, le couple (moderne) est « la réunion de deux personnes qui peuvent à tout moment se séparer ». La possibilité de la séparation fait donc partie intégrante de l’expérience du couple – c’est un point inhérent à la structure même de ce duo.
Possibilité ne signifie pas issue inéluctable ! Les couples qui durent et vieillissent ensemble n’échappent pas à cet horizon. Ils sont « simplement » parvenus à différer ou contourner perpétuellement cette possibilité.
Rien ne sert de chercher à hâter cette éventualité (au nom de la liberté, de la lassitude du désir, du droit à l’amour quand surgit un nouvel amour, par paresse ou par ennui), ni à la conjurer (au nom de la beauté de l’amour qui dure, de la pureté intrinsèque du couple, par peur de la solitude ou tout autre peur, ou au nom de l’intérêt des enfants). Mais savoir que cette perspective est inhérente à la structure même du couple peut permettre de considérer qu’une séparation n’est pas une tragédie en soi.
Car la vraie tragédie du couple, en tout cas son absolue dénaturation, n’est pas la séparation mais la persévérance dans le non-amour.
Chaque couple est une éternelle réinvention – rien n’est jamais figé, rien n’est jamais acquis, – mais rien n’est jamais perdu d’avance non plus !
Si le principe peut être aisément compris, il est bien plus difficile de trouver comment l’appliquer à sa propre relation. Et il est parfois utile d’être épaulé sur ce parcours plein d’embûches. Chez CoMédiation, nous sommes là pour vous aider à vous poser les bonnes questions afin que vous puissiez non pas trouver des réponses – mais trouver VOS réponses. Si le cœur vous en dit, prenez rendez-vous pour une première séance sans engagement. Nous prendrons le temps de vous écouter, comprendre les difficultés auxquelles vous êtes confrontés et surtout voir comment nous pouvons vous aider concrètement.
* Sources :
Cet article est librement inspiré des articles de Pierre Zaoui, philosophe, « La Théorie du couple » paru dans la Revue du Crieur (n° 16, 2020/2, pp. 6 à 29) et « Dans un couple, il est extrêmement important de laisser l’autre respirer » paru dans le journal Le Monde.
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